J'ai vu un colonel Kadhafi ni bouillant ni impulsif, mais un humaniste islamo-chrétien
- Titre
- J'ai vu un colonel Kadhafi ni bouillant ni impulsif, mais un humaniste islamo-chrétien
- Editeur
-
Togo-Presse
- Date
- 7 juin 1973
- Résumé
- Après avoir écouté le colonel Kadhafi pendant six heures d’horloge au cours de sa fameuse conférence de presse marathon, après l’avoir approché comme nous l’avons fait au cours du grand déjeuner qu’il a offert sous une tente, après quelque deux semaines à Tripoli, il nous a été donné de constater par nous-mêmes que tout ce qu’on raconte sur la Libye et son chef n’est qu'un écran de fumée qui se dissipe au contact de la lumière, de la réalité. Je n'avais jamais entendu parler du colonel Kadhafi sans les épithètes de bouillant, d’impulsif, de coléreux. A Tripoli c'est au contraire, un colonel Kadhafi calme, sincère, franc et même avec une coquetterie de prima donna que nous avons rencontré.
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- 5
- nombre de pages
- 2
- Contributeur
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Frédérick Madore
- contenu
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Après avoir écouté le colonel Kadhafi pendant six heures d’horloge au cours de sa fameuse conférence de presse marathon, après l’avoir approché comme nous l’avons fait au cours du grand déjeuner qu’il a offert sous une tente, après quelque deux semaines à Tripoli, il nous a été donné de constater par nous-mêmes que tout ce qu’on raconte sur la Libye et son chef n’est qu'un écran de fumée qui se dissipe au contact de la lumière, de la réalité. Je n'avais jamais entendu parler du colonel Kadhafi sans les épithètes de bouillant, d’impulsif, de coléreux. A Tripoli c'est au contraire, un colonel Kadhafi calme, sincère, franc et même avec une coquetterie de prima donna que nous avons rencontré.
S’agissant de la Libye que n’avons-nous pas lu ou entendu de malveillant sur ce pays ? Pays sectaire, fanatique, paya de dictature etc... Tripoli nous a permis de voir qu'il ne s'agissait que d’élucubrations servies à dessein çà et là pour isoler la Libye. Tripoli a définitivement effacé en nous l’image de l’arabe raciste, spécialiste du coup de poignard dans le dos, l’image de l’arabe, le couteau entre les dents !
Mais attention m'a-t-on promptement souligné à Tripoli, le colonel Kadhafi sait avoir le couteau entre ses dents s’il est provoqué, si l’on bafoue les intérêts de son pays, les intérêts des pays arabes de l’Afrique, des Palestiniens. C’est alors qu’on entend ses admonestations, ses discours acidulés. Autrement Moam’amar El Kadhafi est un homme qui provoque irrésistiblement rayonnement et sympathie. Le port un peu en avant, un visage de play-boy c'est-à-dire beau, attirant, ce qui est normal à 30 ans, son âge. Le regard d’une acuité extraordinaire assujétissant le contradicteur pour l’écraser d’arguments essentiellement puisés dans le Coran. Kadhafi semble échapper au temps ! Pour lui tout se résume au Coran. Avec le Coran, tout s'éclaire, les philosophies les plus compliquées trouvent leur réponse dans le Coran. Kadhafi est un bloc humain de dialectique qui a la certitude d’avoir raison. N’a-t-il pas affirmé avec un air on ne peut plus naturel et sûr que Sartre était un homme perdu parce qu’il ne lit pas le Coran ? « Que diable cherche le père de l’existentialisme en voulant savoir le secret de la vie, en voulant savoir pourquoi la vie alors que toutes ces réponses se trouvent dans le Coran ? »
Je n'ai personnellement rien trouvé de fanatique en Kadhafi. Dès sa conférence de presse il nous a invités à nous assurer si en République libyenne il existe des indices de fanatisme, de haine. Kadhafi nous a invités à nous assurer si la République libyenne est sincère dans le processus de la libération de l’homme. Vous devrez vous assurer a encore dit le colonel Kadhafi « si notre religion est fanatique ou tolérante, vous assurer si notre nationalisme est fait de libération de l’homme. Nous sommes profondément croyants et nous croyons que la religion est nécessaire dans la vie ».
C’est là un véritable cri de cœur qui ne peut venir que d’un humaniste.
Moam’amar El Khadafi est un humaniste islamo-chrétien.
L’intelligence largement au-dessus de la moyenne, le colonel Khadafi répond avec un malin plaisir à toutes les questions même celles qui paraissent les plus épineuses.
A la question de savoir pourquoi à cette conférence des jeunesses arabes et européennes élargie aux Africains, aux Latino-Américains et aux Asiatiques une invitation a été adressée aux réactionnaires que sont les représentants du parti conservateur britannique, le colonel a répondu qu’il s'agissait d’une conférence de jeunes et que de toute façon il ne voyait aucune différence entre les conservateurs et les travaillistes anglais !
Concernant les « Mirage » libyens qui selon certaines informations auraient été transférés de Libye en Egypte, le colonel Khadafi s’est écrié : « Ni Israël, ni personne au monde n’a le droit, n’a le droit de poser cette question. Nous n'avons de compte à rendre à personne ».
Nous sommes là que pour n'avoir qu’une seule occupation : Répondre à Israël à ce qu’il dit ? Sommes-nous au banc des accusés pour devoir nous justifier ?
Il a également refusé de commenter les informations de presse selon lesquelles quatre « Mirage » pilotés par des Egyptiens se seraient écrasés au cours d’un entraînement.
C’est une question ridicule a-t-il répondu au journaliste qui l’interrogeait.
Dans tous les aérodromes militaires du monde s’effectuent des vols d’entraînement. Des dizaines d'incidents y surviennent. Demandons-nous à chaque aérodrome ce qui s’y déroule ?
Le colonel Khadafi a ensuite donné son opinion — qui, comme toujours, ne manque pas d’originalité — sur les différentes questions intéressant le Proche-Orient.
L’ARME DU PETROLE DANS LE CONFLIT ISRAELO-ARABE :
« Un jour viendra, a-t-il déclaré, où le pétrole sera utilisé comme dernière arme dans la bataille si la situation se détériore. Si les gouvernements arabes ne le font pas, ce seront les peuples arabes qui prendront l’initiative et le feront.
« Toutes les théories prévoient un besoin croissant en pétrole des pays consommateurs, et l’importance du pétrole ne sera pas réduite dans l'avenir. Le monde a besoin de plus de pétrole chaque année et surtout les Etats-Unis.
L’ORGANISATION DE L’UNITE AFRICAINE :
Le colonel Khadafi a accusé l'Organisation de l’Unité Africaine d’avoir échoué lamentablement dans sa mission et a réitéré sa demande concernant le transfert au Caire des sièges de l’OUA.
« Addis-Abéba, a-t-il dit, n’est pas une capitale libre. Ses relations sont mauvaises avec les pays africains voisins. L’Ethiopie occupe des territoires à l’extérieur de ses frontières. L’empereur Haïlé Sélassié est un homme très fanatique ».
LA RESISTANCE PALESTINIENNE :
Le colonel Khadafi a déclaré que la Libye fournissait des armes, des munitions, des approvisionnements et des médicaments à la Résistance palestinienne.
Interrogé sur la position de Tripoli concernant les attentats de « Septembre Noir », tels que l'attentat de Munich ou celui de Khartoum, le colonel Khadafi a souligné que la position de la Libye concernant le peuple palestinien n'avait pas changé : « Nous n’appuyons pas, a-t-il dit, des opérations particulières. Nous appuyons la cause palestinienne. C’est un peuple condamné par le monde, un peuple réfugié sous des tentes. Nous appuyons ce peuple, qu'il s'agisse d’une opération à Khartoum, à Munich ou sur la planète Mars, notre position est d’appuyer ce peuple ».
SARTRE UN HOMME PERDU
En conclusion, le colonel Khadafi a longuement expliqué pourquoi, dans le cadre de la révolution culturelle en cours, certains livres doivent être sinon symboliquement brûlés, tout au moins retirés des bibliothèques et des librairies. Il a spontanément choisi 1 exemple de Sartre.
« Sartre est un homme perdu... Nous n'avons pas les mêmes inquiétudes que les Occidentaux... Nous avons des certitudes... Nous avons, dans le Coran, les réponses aux questions de Sartre... Lisez le Coran, même si vous n'êtes pas musulmans ».
Comme on le voit, tout, absolument tout est basé sur le Coran qui sert de base à la 3e théorie internationale si chère au colonel Khadafi. Pour le colonel Kadhafi l’athée fait le bien par réciprocité ; le croyant respecte la parole donnée. Le mécréant ne peut respecter sa parole. Sans religion l’être n’a plus de base morale. Si l’on croit uniquement en la loi on peut aisément tourner cette loi.
Kadhafi est un humaniste islamo-chrétien, car quand il parle de croyant il n’exclut pas les chrétiens — catholiques ou protestants, — pas même la religion juive qu’il différencie du sionnisme, doctrine politique.
Les choses ne vous paraîtront peut-être pas si simples. Mais il faut comprendre que le colonel Kadhafi est un homme du désert, un bédouin ayant pour réalités, le Coran, un ciel toujours dégagé, le soleil, le puits, le sable chaud et la tente. C’est l’homme au contact avec sa nature, c’est l'homme intégral, l’homme concret. L’homme qui croit à son peuple et son peuple croit en lui. A notre déjeuner il était venu à bord du VW qu'il conduisait lui-même sans aucune escorte. Un homme qui aurait pu avec les énormes richesses de son pays se replier sur lui-même, «enrichir. Mais Kadhafi met tout son potentiel au service du monde arabe, au service de l’Afrique, d’un monde arabe et d’une Afrique croyants. Kadhafi croit à sa troisième théorie internationale car il estime que capitalisme et communisme ont échoué, qu'il faut sauver le monde par cette 3e théorie internationale qui sera l’objet de notre prochain article.
Polycarpe JOHNSON
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